Nouveau tour de vis sur la location meublée : vers la fin d'Airbnb ?

13/11/2024
Nouveau tour de vis sur la location meublée : vers la fin d'Airbnb ?
Nouveau tour de vis sur la location meublée : vers la fin d'Airbnb ?

Le Parlement français a pris une décision historique : la loi adoptée le 7 novembre 2024 impose une régulation stricte des locations touristiques de courte durée, avec l'objectif de rééquilibrer le marché immobilier. Cette mesure, qui pourrait transformer les pratiques des investisseurs particuliers et des entreprises locales, évoque l'exemple de New York, où des régulations similaires ont entraîné un changement profond dans le marché locatif et un impact marqué sur l'économie locale.

Par Bertrand Dubourg

Airbnb dans la ligne de mire

La croissance rapide des locations touristiques suscite depuis plusieurs années l'inquiétude des pouvoirs publics, notamment dans des villes comme Paris, Lyon, et sur la Côte d'Azur. Les habitants observent une flambée des prix et une raréfaction des locations à long terme. Annaïg Le Meur, députée et co-auteure de la loi, dénonce l'influence des locations Airbnb qui, selon elle, ont « accéléré la spéculation » et rendu l'accès au logement encore plus difficile pour les résidents. La nouvelle législation vise à redonner de l'air au marché résidentiel.

L'Association Nationale des Élus de Montagne (ANEM) soutient également cette réforme. Elle considère qu'il s'agit d'un moyen de « trouver un équilibre entre le maintien de l'activité touristique, indispensable pour l'économie des territoires de montagne, et l'accès au logement pour ceux qui y vivent ». Cependant, pour de nombreux propriétaires, cette régulation constitue une menace. Nombre d'entre eux ont investi dans des logements, parfois à crédit, et se reposent sur les plateformes de location saisonnière pour compléter leurs revenus. Dans un climat économique difficile, ces locations de courte durée représentent une ressource non négligeable.

Réforme fiscale : fin des avantages pour les meublés touristiques

La nouvelle loi s'attaque aussi à la fiscalité des meublés touristiques. Jusqu'à présent, ces locations bénéficiaient d'avantages fiscaux significatifs, mais l'abattement fiscal pour les meublés non classés passe de 50 % à 30 %, et celui des meublés classés descend de 71 % à 50 %. Le plafond de revenus locatifs pour les meublés classés est également abaissé à 77 700 €, contre 188 700 € précédemment.

L'objectif est clair : inciter les propriétaires à revenir vers la location de longue durée. Cependant, cette révision fiscale reste encore floue, selon Baptiste Bochart, juriste, qui souligne que cette disposition pourrait être modifiée par le projet de loi de finances pour 2025. La stabilité juridique et fiscale, tant demandée par les investisseurs et les entreprises, semble donc encore hors de portée.

Pouvoirs accrus pour les maires et exigences énergétiques renforcées

La fiscalité n'est qu'une partie des changements introduits par la nouvelle loi. Pour renforcer l'accès au logement local, les maires se voient attribuer des pouvoirs élargis. Ils peuvent désormais limiter les locations de résidences principales à 90 jours par an, au lieu de 120, et instaurer des quotas de meublés de tourisme dans certaines zones. Dans les régions où les résidences secondaires représentent plus de 20 % des habitations, les Plans Locaux d'Urbanisme (PLU) pourront réserver des zones uniquement aux résidences principales.

Par ailleurs, dès 2025, les nouveaux logements mis en location touristique devront respecter des normes énergétiques minimales, avec un DPE E, et atteindre un niveau D d'ici 2034. Les logements déjà en location disposeront d'un délai de dix ans pour se mettre aux normes. Cette mesure, qui impose des rénovations énergétiques coûteuses, pourrait faire hésiter certains investisseurs, qui devront revoir leurs calculs de rentabilité.

New York : un exemple de régulation à double tranchant

L'exemple de New York est souvent cité pour illustrer les conséquences d'une régulation stricte des locations de courte durée. Avec une réduction de 90 % des offres Airbnb depuis 2023, la ville a observé une hausse des tarifs des hôtels de 7,4 % en un an, contre une moyenne nationale de 2,1 %. Le prix moyen d'une nuitée y atteint 343 dollars, ce qui réduit l'attractivité de la ville pour les touristes. Un marché locatif parallèle commence même à se développer illégalement. En parallèle, les loyers pour les résidents continuent d'augmenter, malgré les restrictions sur Airbnb.

Supprimer une partie des logements touristiques affecte également l'économie locale. En 2022, l'industrie touristique de l'État de New York a généré plus de 78,6 milliards de dollars de dépenses directes. Depuis les restrictions, une baisse du nombre de nuitées a été enregistrée malgré des initiatives pour relancer le tourisme, comme le plan « Bring Back Tourism, Bring Back Jobs » de la gouverneure Kathy Hochul. La France, première destination touristique mondiale, doit donc tirer les leçons de ce cas : protéger les habitants tout en préservant la vitalité économique.

Un impact majeur pour les investisseurs et un équilibre difficile à maintenir

Le durcissement du cadre juridique, fiscal et énergétique va inciter certains investisseurs à abandonner la location courte durée, jugée de moins en moins rentable. Cette diminution de l'offre touristique pourrait encourager une réorientation vers la location longue durée, mais pourrait aussi impacter l'économie locale, surtout dans les villes qui comptaient sur ces revenus.

Les nouvelles normes impliquent des dépenses supplémentaires pour les propriétaires, qui devront procéder à des rénovations pour se conformer aux standards énergétiques. Cette contrainte pourrait réduire l'offre touristique, au détriment des villes qui subissent déjà des pertes de revenus depuis la suppression de la taxe d'habitation.

Certains acteurs plaident désormais pour une régulation plus nuancée, limitée aux zones de forte tension locative. D'autres préconisent des incitations fiscales pour encourager les rénovations énergétiques, ou envisagent un partenariat entre l'État et les plateformes de location pour favoriser une régulation sans bloquer le dynamisme touristique.

La France prend donc un pari audacieux en tentant de réguler un secteur en pleine expansion sans étouffer sa croissance. L'équilibre entre protection des résidents et préservation de l'attractivité touristique reste délicat, et les investisseurs devront faire preuve de prudence, diversifier leurs stratégies, et s'informer régulièrement pour naviguer dans un cadre législatif en mutation rapide, où opportunités et contraintes coexistent étroitement.