L’élection de Trump rebat les cartes des stratégies des hedge funds
Depuis la réélection de Donald Trump, Wall Street est à nouveau le théâtre de mouvements et d'anticipations intenses. Face à cette nouvelle ère politique, les hedge funds réorientent leurs stratégies en mettant l'accent sur des secteurs comme la banque, les obligations et le pétrole. Alors que certains investisseurs parient sur un dollar fort et des dérégulations à venir, d'autres perçoivent la chute des valeurs ESG comme une opportunité.
Obligations et dollar fort : une dynamique de marché chamboulée
L'élection de Trump a eu un impact direct sur le marché obligataire américain, où les rendements des Treasuries ont atteint des niveaux inédits en quatre mois. Cette tendance pousse certains hedge funds, à l'image de BlueBay Asset Management, à revoir leurs positions. Le phénomène de bond vigilantism fait surface, avec des investisseurs réticents face à un endettement public jugé excessif. Russel Matthews, de BlueBay, attribue ce changement aux nouvelles orientations de Trump, telles que les réductions d'impôts pour les entreprises, qui alimentent les attentes d'un grand bouleversement économique.
En réponse, BlueBay a adopté une position short sur les Treasuries à 30 ans, anticipant une baisse des prix des obligations face à la hausse des taux. En parallèle, le fonds prend une position longue sur les Bunds allemands à 10 ans, pour équilibrer son portefeuille avec des actifs plus stables. Cette stratégie exploite les écarts de rendement entre les deux marchés, où les Treasuries sont davantage exposés aux fluctuations induites par la politique américaine.
La montée du dollar est également au cœur des stratégies de BlueBay. La devise américaine a progressé de près de 2 % face à un panier de devises, son plus grand gain journalier depuis quatre ans. En conséquence, le fonds a pris des positions longues sur le dollar tout en shortant l'euro et la livre sterling, témoignant de la confiance accrue dans l'économie américaine.
Banques et pétrole : un retour aux secteurs traditionnels
L'élection de Donald Trump ne transforme pas uniquement les marchés ; elle recentre les hedge funds sur des secteurs classiques. Les banques américaines, avec Citigroup en tête, regagnent de l'attrait, tandis que l'industrie pétrolière profite du soutien d'un président pro-énergies fossiles.
Matein Khalid, de Phoenix Holdings, voit un potentiel dans les banques sous-évaluées comme Citigroup. Avec la hausse des taux d'intérêt à long terme, les marges bancaires sont en passe d'augmenter, offrant des opportunités aux hedge funds dans les actions bancaires. Khalid estime également que la présidence de Trump pourrait amener une vague de dérégulation, allégeant les règles de capital et de gestion des risques pour les banques, ce qui favoriserait aussi des fusions et acquisitions. Pour les hedge funds, cette dérégulation ouvre des perspectives de rentabilité accrue dans le secteur bancaire.
Côté pétrole, l'administration Trump pourrait mettre en place des conditions favorables pour les compagnies pétrolières, renforçant ainsi la dépendance américaine aux énergies fossiles. George Boubouras, chez K2 Asset Management, prévoit que cette « renaissance » de l'industrie pétrolière attirera des capitaux vers les actions du secteur, au détriment des énergies renouvelables, impactées par ce revirement politique.
Les valeurs ESG en difficulté mais offrant des opportunités d'achat
Le secteur ESG subit un contrecoup majeur depuis l'élection de Trump. Les valeurs des énergies renouvelables sont sous pression, avec une baisse notable du WilderHill Clean Energy Index (-6,7 %) et des chutes marquées pour des entreprises comme Sunnova, First Solar, et Sunrun, qui perdent entre 20 % et 52 % en une seule journée.
Cependant, certains investisseurs considèrent que le marché réagit de manière excessive. Per Lekander, de Clean Energy Transition, qualifie la situation d'opportunité d'achat et conseille d'attendre avant de se positionner. Des analystes de JPMorgan voient également des sous-secteurs ESG qui pourraient devenir attractifs une fois les marchés stabilisés. Selon eux, l'ampleur d'un potentiel renversement des politiques climatiques pourrait être exagérée.
Parmi les lois en discussion, l'Inflation Reduction Act (IRA) de 2022, qui favorise les énergies propres via des crédits d'impôt, suscite des débats. Toutefois, Lekander doute d'une suppression totale, celle-ci générant une activité économique conséquente. JPMorgan prédit que toute modification de l'IRA serait progressive, s'appliquant en douceur plutôt qu'en profondeur. Certaines dispositions, comme celles incitant à la production nationale, pourraient même rester intactes. Greg Hirt, d'Allianz Global Investors, rappelle que la fin de l'IRA nécessiterait une majorité républicaine solide, ce qui est loin d'être acquis. Il souligne que le retrait des États-Unis des politiques climatiques pourrait, paradoxalement, renforcer la position de la Chine dans les technologies vertes.
En conclusion, les hedge funds réadaptent leurs stratégies face aux nouvelles orientations de Donald Trump, avec des choix diversifiés entre valeurs traditionnelles et opportunités d'achat sur des secteurs malmenés comme l'ESG. Pour les investisseurs, cette élection représente une reconfiguration des priorités où le dollar, le pétrole et les valeurs bancaires retrouvent leur rôle de premier plan, tandis que les énergies renouvelables attendent un éventuel rebond.