Dégradation de la note française par Moody’s : quelles conséquences pour la France et l’Europe ?
L'abaissement de la note française par Moody's, de Aa2 à Aa3, ne surprend guère les observateurs. Cette décision s'inscrit dans une série de dégradations initiées par S&P en mai 2024, qui avait rétrogradé la note de AA à AA-, suivie par Fitch en octobre, abaissant la perspective à "négative". Ces signaux traduisent une inquiétude croissante face à l'incapacité de la France à stabiliser ses finances publiques.
Par Bertrand Dubourg
Une fragmentation politique aux lourdes conséquences
Selon Moody's, la fragmentation politique française compromet sérieusement la capacité du gouvernement à réduire durablement les déficits. Les projections actuelles peignent un tableau alarmant :
- Un déficit public à 6,3 % en 2025, se réduisant timidement à 5,2 % en 2027, loin des 3 % exigés par Bruxelles.
- Une dette publique qui pourrait atteindre 120 % du PIB d'ici 2027, une des plus élevées en Europe.
Une position financière fragilisée
Cette dégradation repositionne la France en bas de la hiérarchie des emprunteurs européens. Le pays doit désormais émettre 300 milliards d'euros d'OAT (Obligations Assimilables du Trésor) en 2025, un record historique après 285 milliards en 2024. Mais cette levée de fonds intervient dans un marché tendu, avec des taux d'emprunt français à 10 ans dépassant les 3 %.
Comparé à d'autres pays :
- La Belgique (double-A) emprunte à 2,88 %.
- L'Espagne (BBB) et la Slovénie (simple-A) affichent respectivement des taux à 2,89 % et 3,01 %.
Ce bouleversement est symbolique : pour la première fois depuis 2008, les taux français sont plus élevés que ceux de l'Espagne, un signe inquiétant pour une économie majeure de la zone euro.
Un cercle vicieux entre dette, déficits et coûts de financement
Moody's met en garde contre un "cercle vicieux" :
- Déficits croissants entraînent une hausse de la dette.
- Cette dette pèse sur le budget de l'État, dont la charge dépasse déjà 50 milliards d'euros par an, deuxième poste budgétaire.
- Les investisseurs internationaux, jugeant la dette française plus risquée, pourraient s'en détourner, augmentant davantage les taux d'emprunt.
À ce rythme, la charge de la dette pourrait devenir le premier poste budgétaire d'ici 2027, reléguant les autres priorités budgétaires au second plan.
Un impact au-delà des frontières françaises
La dégradation de la note française ne concerne pas uniquement l'Hexagone : elle menace également la stabilité financière européenne :
- Les émetteurs publics français comme la CADES et l'UNEDIC, soutenus par la garantie de l'État, risquent de voir leurs coûts d'emprunt augmenter.
- L'Union Européenne, dont la notation dépend en partie des pays classés Aa2 ou plus, pourrait être touchée par ce déclassement.
- Le Fonds Européen de Stabilité Financière (FESF), pour lequel la France est le deuxième contributeur, pourrait lui aussi subir une révision de sa notation par Fitch ou S&P.
Une équation complexe pour la zone euro
Cette dégradation met en lumière les défis auxquels la zone euro est confrontée :
- Rétablir la stabilité financière tout en gérant les tensions budgétaires.
- Préserver la cohésion sociale dans un contexte de hausse durable des taux d'intérêt.
- Consolider la crédibilité des institutions européennes face aux investisseurs internationaux.
Le cas français illustre les difficultés des grandes économies européennes à concilier réduction des déficits, croissance économique et stabilité politique.
Conclusion : quelles perspectives pour la France ?
L'abaissement de la note souveraine française par Moody's met en lumière une situation préoccupante pour les finances publiques. La hausse des taux d'emprunt, associée à un endettement croissant, accentue les défis économiques pour les années à venir. Sur le plan européen, cette évolution fragilise l'ensemble de la zone euro, dont la stabilité dépend largement des grandes puissances économiques.